BIOGRAPHIE MICMAC
Stephen Augustine
Je viens de Big Cove, situé sur la rive nord de la rivière Richibucto au Nouveau-Brunswick dans le district Signigtog de la nation micmaque. Il y a deux ans, le nom Big Cove a été remplacé par Elsipogtog, qui signifie le sentier du grand feu et fait référence au Feu du Grand-Esprit. Dans notre récit de la création, le sentier du grand feu renvoie à la dispersion des sept clans micmacs dans sept districts différents des Maritimes. Ensemble, ces clans sont responsables de préparer et de maintenir le Feu du Grand-Esprit, d’où chacun tire ses origines.
Je suis chef héréditaire de l’un de ces sept clans, de la région de Signigtog, et j’occupe le poste de curateur au Musée canadien des civilisations.
Je parle la langue micmaque mais comprend aussi le malécite, le français et l’allemand. Quand j’entends parler des Malécites ou des Innu Montagnais, je comprends en général ce qu’ils disent. Ils nous ressemblent beaucoup parce qu’ils sont nos voisins. Les Micmacs de Restigouche, dans la région de Gaspé, au Québec, et les Montagnais utilisent beaucoup de mots semblables. Et à Big Cove, beaucoup de nos mots ressemblent à ceux des Malécites, parce qu’ils étaient nos voisins. Les langues des peuples d’origine algonquine – les Pieds-Noirs, Cris, Saulteux, Anishnabés, Attikameks, Micmacs, Malécites et Beothuks, par exemple – sont toutes apparentées, comme le latin est apparenté à l’italien, à l’espagnol, au français et au portuguais.
Quant au mot micmac, il n’existe pas dans notre langue. Le mot Nigamau est plus approprié. Nigamau signifie plus ou moins « cette personne et moi sommes parents ». D’après moi, le mot micmac est apparu à l’arrivée des Français, qui n’ont probablement pas compris ce que signifiait l’emploi de Nigamau, ou « nos relations », lorsqu’ils ont questionné le peuple à propos des communautés voisines.
Mes aînés ont assuré mon éducation traditionnelle. Lorsque mon grand-père est décédé en 1956, ma grand-mère Agnes s’est mise à nous consacrer beaucoup de temps. Elle est née dans un wigwam le 14 juin 1898 sur l’île Lennox, à l’Île-du-Prince-Édouard. Jeune, elle voyageait d’une communauté à l’autre avec sa famille qui vivait de la terre; ils recherchaient les endroits où abondaient certains poissons, ou fabriquaient et vendaient des paniers. Il s’agissait des seules activités économiques dont notre peuple disposait à l’époque parce que sa capacité de vivre de la terre, notre mode traditionnel de survie, devenait de plus en plus limitée. Entre les années 1900 et 1920, le gouvernement n’offrait aucune vraie assistance aux Indiens. Nous pouvions obtenir du thé, du sucre et de la farine de magasins locaux subventionnés par les gouvernements des colonies. Cela nous procurait plus ou moins les aliments de base sur lesquels nous comptions de plus en plus.
Mon grand-père, Basil Tom Augustine, est né près de Moncton au début des années 1860. Il descendait directement de Michael Augustine, signataire du traité de 1760 qui a mis fin aux hostilités entre les Français et les Anglais et assurait la neutralité des Micmacs. Les Micmacs ont signé un traité de paix et d’amitié, mais n’ont cédé aucune de leurs terres. Tout cela a été inscrit sur notre ceinture wampum, un instrument mnémonique confectionné à l’aide de coquilles de palourdes et de perles bleues et mauves. Nous avons utilisé ces ceintures pour documenter l’histoire du traité et certains enseignements, comme le récit de la création. Entre autres, les chefs héréditaires ont la responsabilité de transporter les ballots sacrés de nos ancêtres ainsi que les récits qui s’y rapportaient.
Ces enseignements sont transmis de génération en génération. Mon grand-père a reçu les siens de son père, qui a reçu les siens de ses ancêtres. Avec les ballots et enseignements sacrés nous est aussi confiée la responsabilité d’apprendre et de transmettre le savoir et les cérémonies – en commençant par les cérémonies du foin d’odeur, de l’offrande du tabac, du calumet et de la suerie. Ces cérémonies et notre langue font toutes partie de notre éducation traditionnelle. Elles nous enseignent nos propres systèmes de connaissances.
J’aimerais donc partager avec vous une partie des enseignements que m’ont transmis les aînés, par l’entremise de notre récit de la création.
En l’honneur de mes aînés, wela’lin – merci.