ENSEIGNEMENT PIED-NOIR PIIKANI
REG CROWSHOE ET JEFF CROW EAGLE
INTRODUCTION
retournerLa nation Piikani fait partie de la confédération des Pieds-Noirs. Les Siksikas, les Sangs et les Piikani parlent tous la langue pied-noir et sont tous concernés par le Traité numéro 7, dans le Sud de l’Alberta. Ce traité s’étend aussi à la nation Tsuu T’ina, ou Sarcie, qui parle une langue différente.
Lorsqu’ils ont érigé la frontière entre le Canada et les États-Unis, le territoire piikani a été divisé. La moitié d’entre nous a été envoyée aux États-Unis et l’autre moitié s’est dirigée vers le Nord. C’est ainsi que nous sommes devenus les Piikani du Nord. Les Piikani du Sud vivent de l’autre côté de la frontière, au Montana.
Au centre culturel Old Man River de la nation des Piikani du Nord, nous nous efforçons de préserver, de protéger et de renouveler la culture piikani. En écoutant nos récits, en parlant notre langue, en chantant nos chants et en participant à nos sociétés traditionnelles, nous approfondissons notre savoir et en retirons les éléments nous permettant de bien vivre et de préserver notre mode de vie. De nos jours, nos jeunes ne comprennent pas toujours ce que disent les aînés parce que nous devons leur transmettre notre savoir dans le langage du système d’éducation occidental. Pour que nos enfants grandissent bien, c’est-à-dire qu’ils obtiennent les conseils nécessaires pour trouver leur voie, se forger une identité, servir d’instruments au Créateur et préserver notre culture, nous devons tous travailler ensemble. Notre culture devrait toujours nous guider, déterminer notre mode de vie.
C’est donc avec un grand respect pour notre savoir culturel que nous vous présentons le modèle de tipi pied-noir et quelques informations sur les processus piikani identifiés lors de nos travaux au centre. Nous voulons que ces systèmes forment la base de la gouvernance, de l’éducation et des autres aspects de la vie communautaire piikani.
De nombreux aînés croient qu’il existe un cercle oral, ou système, qui relie toutes les Premières nations de l’Amérique du Nord. Nos systèmes piikani-pieds-noirs représentent seulement une fraction de ce grand cercle. Nous
sommes honorés de partager avec vous notre perspective piikani, en tant que portion de ce grand cercle qui nous unit tous.
LA STRUCTURE DU CERCLE DU TIPI
Dans notre mode de vie traditionnel, notre demeure est sacrée. Les tipis dans lesquels nous nous assoyons en forme de cercle sont à la base de notre système piikani-pied-noir. Si notre structure avait été carrée, peut-être aurions-nous un autre genre de système, mais la nôtre était circulaire.
Si vous étiez installé au haut des perches d’un tipi pied-noir, tel un oiseau perché, et regardiez vers le bas, voici ce que vous verriez :
Premièrement, notre structure circulaire traditionnelle avait un côté féminin et un côté masculin.
Au centre, il y avait un feu. Certaines personnes formaient un cercle autour du feu et d’autres s’assoyaient derrière. Du côté opposé de la porte, à l’Ouest, se trouvait une place d’honneur, où nous déposions les ballots sacrés, qui sont la source de l’autorité et des lois de la communauté. L’espace au nord du feu pouvait servir à la préparation du calumet sacré.
Devant nos ballots était installé l’autel de purification. L’hacheur de tabac s’assoyait au nord de l’autel et les assistants, près de la porte. Les joueurs de tambour prenaient place au sud du feu.
Puis, assises autour du cercle du côté féminin, se trouvaient la célébrante et l’hôtesse. Des gardiennes de ballots similaires s’assoyaient du coté des gardiennes de ballots. Les anciennes gardiennes de ballots et autres grands-mères de cérémonie s’installaient près de la porte. Les gens étaient disposés de la même façon du côté masculin : l’hôte, d’autres gardiens de ballots, puis les grands-parents des gardiens de ballots, les célébrants ou les aînés près de la porte.
C’était à peu près la façon de s’asseoir en cercle, quelle que soit la cérémonie. À une époque, toutes les personnes qui formaient ce cercle avaient une place dans le système des sociétés pieds-noirs. Tous nos processus piikani étaient régis par ces sociétés : elles voyaient au maintien de l’ordre, aux services sociaux et à l’éducation, ainsi de suite.
Un processus piikani–pied-noir traditionnel comporte quatre dimensions : lieu, geste, langage et chant. Donc, si je dis que j’appartiens à la société du Calumet du Tonnerre, par exemple, je dois pouvoir démontrer à ses membres mon savoir des quatre dimensions de cette société. Je dois pouvoir m’asseoir dans leur lieu et poser certains gestes pour démontrer mes capacités et compétences. Je dois parler leur langage et chanter les chants associés à l’autorité du Calumet du Tonnerre. Si je ne peux pas le faire avec respect et compréhension, je ne peux pas faire partie de leur société ou de leur discours. C’est notre façon de protéger une information ou un concept, ou d’en reconnaître l’autorité.
Donc, dans cette structure circulaire, il devait y avoir du respect. C’est ce qui manque aujourd’hui : nous n’accordons plus à l’information le respect qu’elle mérite. Nos sommes tellement bousculés par nos vies que nous ne prenons pas le temps de veiller à la compréhension respectueuse de l’information qui nous est donnée.
Dans notre modèle circulaire, nous menons nos affaires avec respect et intégrité, en portant attention à la tâche à accomplir. Nous en retirons ainsi une compréhension et une leçon plus grandes.
LES AÎNÉS
Dans la société piikani, un aîné est une personne qui a pris soin d’un ballot ayant aidé la communauté, puis l’a transféré et est devenu un grand-père ou une grand-mère de cérémonie. Les grands-parents de cérémonie peuvent être appelés à animer ou à superviser des cérémonies. Ils nous procurent aussi leurs conseils et leur direction.
Nous avons demandé à nos aînés comment établir la communication entre le monde de l’homme blanc et celui de l’Indien, parce que le monde dans lequel nous vivons baigne dans la confusion. Cette confusion crée un manque de communication qui occasionne des conflits.
Nous voulions examiner comment nous envisageons le monde à partir de nos systèmes de croyances piikani, ces formes de connaissance qui sont en place depuis des milliers d’années.
Nous avons donc demandé à nos aînés : « Quel type de penseurs indiens sommes-nous? Que disent nos récits de la création? » Selon bon nombre de nos récits, les êtres humains sont les égaux de toute la création. Ce concept d’égalité a défini notre pensée et notre compréhension du monde. Les animaux et les plantes, l’air et l’eau sont donc mes égaux; les étoiles sont mes égales, et je suis l’égal de tous les êtres humains et même des insectes.
Donc, le concept de l’égalité des êtres était à l’origine de toutes nos pratiques – nos formes de gouvernance et nos interactions sociales. Nous sommes tous créés ensemble et nous sommes tous sacrés. Notre langue et nos traditions orales piikani-pieds-noirs reposent sur des pratiques cérémonielles, et nos modes de collaboration et de communication sur une structure circulaire de cérémonie.
Puis, nous avons demandé à nos aînés : « À quoi ressemble un penseur blanc? » Et ils nous ont rappelé le proverbe : « Dieu donna le dominion à l’homme. » Dans les écoles résidentielles, on nous apprenait que ce dominion établissait la supériorité de l’homme sur toute la création : les plantes, les animaux, les pierres, même le ciel. Nos aînés n’avaient jamais été en présence d’un tel mode de pensée : s’il est supérieur à tout, l’homme a le pouvoir de prendre des décisions et de se donner de la crédibilité. Cela n’appartient plus au Créateur.
Le mot dominion figurait auparavant dans tous les documents du gouvernement, y compris tous les documents que remettait l’ « agent des sauvages ». Il nous a donc fallu apprendre un nouveau langage basé sur la supériorité de l’homme. L’autorité ne se transmettait plus par des rites transférés à l’aide de chants ou de cérémonies; elle provenait maintenant de documents écrits. De nos jours, les documents écrits font autorité. Nous demandons : « Quel genre de papiers a-t-il? » L’autorité dépend de la propriété, des produits achetés ou obtenus par l’entremise du dominion, autorisés par le mot écrit et contrôlés par une hiérarchie qui place l’homme à la tête de toute la création.
Tous ces concepts sont enchâssés dans l’éducation, le mode de gouvernement et la religion de l’homme blanc, et forment le contexte dans lequel nous devons évoluer. Cela complique la transmission du savoir traditionnel piikani à nos enfants.
Si nous voulons préserver notre culture, nous devons obtenir la participation de nos aînés et grands-parents de cérémonie. C’est pourquoi nous avons repris le modèle circulaire de nos aînés et cherché à l’interpréter pour pouvoir l’utiliser aujourd’hui.
Par exemple, lorsque nous discutons ou prenons des décisions, notre sujet devient un ballot sacré – nous devons l’ouvrir avec respect et l’examiner attentivement pour faciliter sa compréhension profonde. Nous utilisons
encore un autel de purification, qui se compare au marteau employé au début des réunions dans le monde moderne des affaires. Et nos aînés ont encore besoin de s’installer à la porte, pour nous conseiller et nous protéger,
et nous aider à gérer notre processus de façon respectueuse. Ce sont là quelques exemples des façons dont nous avons adapté notre modèle circulaire ainsi que le savoir de nos aînés au monde moderne.
LES CÉLÉBRANTS
Cette structure circulaire et tous nos systèmes oraux sont basés sur des cérémonies et des rituels, ou rites. Il existe deux types de rites fondamentaux, les rites reçus et les rites hérités. Un rite reçu est un rite dont une personne a été investie. Lors d’une quête de la vision par exemple, les esprits peuvent accorder à une personne un rite, comme de l’information devant être protégée. En revanche, les rites hérités sont issus du temps de la création et transférés de personne à personne jusqu’à ce qu’ils deviennent ce qu’ils sont aujourd’hui. Tous les rites s’accompagnent de responsabilités qui font de nous des membres de la communauté.
L’information remise aux gardiens de rites hérités provient d’une source sacrée. Il ne s’agit pas de pures spéculations ou du fruit de leur imagination. Ces personnes ont travaillé fort pour mériter le droit de posséder cette information. Si vous êtes gardien d’un rite hérité, vous devez le pratiquer tous les jours, l’adopter pour le reste de la vie.
Lorsqu’on vous transfère un rite, vous renaissez – quel que soit votre âge. En accepter la responsabilité signifie que vous vous êtes offerts humblement au Créateur. Il est alors entendu que vous devrez comprendre les bases de la bonté et l’humilité réunies. Vous devrez vous efforcer de vivre une vie authentique, sans tricherie.
Lorsque nous avons rejoint la société des Chiens Sans Peur, tous les membres étaient assis en cercle dans le tipi des Chiens Sans Peur de la Danse du soleil, le seul lieu où se réunit la société des Chiens Sans Peur. Quand notre tour est venu de recevoir le ballot, nous avons traversé du côté nord où était assis le chef principal des Chiens Sans Peur. Et nous sommes restés là, debout, avec les gardiens de ballots. Nous étions quatre : deux hommes et deux femmes. Les chants et les tambours ont débuté, puis nous avons dansé aux quatre coins du feu. À notre quatrième danse, on nous a donné le ballot, accompagné de directives dans notre langue sur la façon d’en prendre soin. Les Piikani qui participaient à la Danse du soleil étaient assis dehors et ont été témoins de ce qui se passait dans le tipi. Donc, personne ne peut dire qu’il ne s’agissait pas d’un transfert légitime de rite.
Si je transfère un rite à une autre personne, je dois comprendre et observer les pratiques qui m’ont été montrées pour respecter les quatre dimensions du système judiciaire piikani : le lieu, dans ce cas-ci le tipi des Chiens Sans Peur de la Danse du soleil; les gestes associés à cette danse précise; le langage, c’est-à-dire les directives sur la façon de prendre soin du ballot; le chant qui a accompagné le transfert.
Tout ce cérémonial donne un sens à nos processus. C’est pourquoi nous avons encore le souvenir de nos traités. Quand Crowfoot a signé le Traité numéro 7, nos témoins pieds-noirs ont dit qu’il avait quitté le tipi en
chantant. Et avant même d’aller signer le traité, il est sorti de son tipi et a dit : « Vous tous, dans ce camp, êtes mes enfants. Je vais de l’autre côté de la rivière signer des documents. Tous les Blancs qui s’y
trouvent seront aussi mes enfants. » Ensuite, tous les chefs ont pris part à une cérémonie; ils ont prié et dansé. Ce n’est qu’après qu’ils sont allés signer le traité. Ce traité est donc bien plus qu’un simple document;
il a une dimension émotionnelle, un esprit. Nous l’avons dans le sang, nous les petits-enfants des chefs qui ont dansé et prié.
LES BALLOTS
Nos aînés traditionnels nous ont montré à prendre des décisions. Notre façon de prendre des décisions provient en grande partie des ballots. Les ballots sacrés n’appartiennent jamais à une personne ou à une famille. Ils peuvent être transférés à quelqu’un qui désire en être le gardien, en prendre soin. Mais on peut aussi le lui refuser.
Chaque ballot contient diverses reliques, qui ont toutes une signification. Beaucoup de ballots contiennent des oiseaux ou des animaux, comme un hibou ou un aigle, qui sont enroulés ensemble et placés à l’intérieur. Et quand ces oiseaux et animaux acceptent d’aller dans le ballot en guise de don spirituel du Créateur, ils sont même accompagnés d’un chant; chaque article placé dans le ballot a un lieu, des gestes, un langage et un chant propre à lui.
Une ou deux fois par année, le ballot est ouvert et une personne fait un vœu à l’aide du ballot, d’un artefact ou d’un objet sacré qui s’y trouve. Par exemple, elle pourrait faire au Créateur le vœu de danser avec une
relique particulière du ballot afin que soit guérie une personne malade. Une compensation est ensuite offerte au gardien du ballot.
Il existe de nombreux ballots. Ceux des Chiens Sans Peur contiennent habituellement un hochet, de la peinture sacrée, des plumes et d’autres objets sacrés que nous ne pouvons nommer Habituellement, le gardien du ballot a également un calumet. Quand on allait nous transférer le ballot de l’Ours des Chiens Sans Peur, nous avons offert un calumet au gardien. Donc, lorsque nous nous sommes joints aux Chiens Sans Peur, j’ai dû me procurer un autre calumet pour faciliter mon cheminement avec le ballot. En retourner, au moment de transférer le ballot, j’ai reçu un calumet du nouveau gardien. Certains calumets sont placés dans le ballot, d’autres sont offerts séparément pour servir durant les cérémonies.
Nous avions notre propre système judiciaire. Par exemple, les ballots ne peuvent pas être ouverts par quiconque le souhaite. Seul le détenteur des droits hérités peut le faire. Il doit connaître les chants, les gestes appropriés et le langage du ballot, et doit l’ouvrir au bon lieu.
Le Créateur nous a donné notre système judiciaire pour nous aider à prendre des décisions. Donc, quand nous prenons une décision, nous nous enduisons et prions, et demandons au Créateur de participer à la décision. Nous
respectons toujours ce protocole. Il est toujours légitime, car le Créateur est toujours là lorsque nous prenons des décisions, même les décisions les plus techniques.
LES SOCIÉTÉS
Le Créateur a offert à toutes ses créations des systèmes de gouvernance, comme les sociétés pieds-noirs. Ces sociétés sont nos systèmes éducatif, administratif, militaire et policier. Il y a 100 ans dans la nation Pied-Noir, de nombreuses sociétés se côtoyaient : la société des Abeilles, la société des Mouches, la société des Vers, ainsi de suite.
L’âge déterminait l’appartenance à une société particulière. Les enfants se joignaient à une société alors qu’ils étaient encore tout jeune, y étaient membres quelques années puis changeaient de société. Par exemple, la société des Mésanges admettait des enfants âgés de 8 à 12 ans qui pouvaient ensuite passer à la société des Poulets des Prairies et servir d’aînés aux nouveaux membres de la société des Mésanges. Les sociétés offraient un mode d’apprentissage; elles enseignaient aux enfants la discipline mentale, physique et spirituelle. Et lorsque l’enfant grandissait, il était admis à la société adulte appropriée.
À une époque, la pratique de nos traditions était illégale au Canada. Les sociétés ne sont plus clandestines de nos jours, mais bon nombre de celles qui existaient il y a 100 ans ont disparu. Certaines personnes âgées en connaissent encore les rituels. Mais si nous ne leur demandons pas de nous les montrer, nous les perdrons à jamais.
Là où vivent les Piikani, on connaît aujourd’hui deux sociétés : la société des Chiens Sans Peur et la société Neepomakeeks, ou société des Mésanges. Les Sangs, les Siksikas, les Sarcis et les Piikani du Sud pratiquent encore la société des Cornes, la société des Pies, la société des Colombes et la société des Chiens Sans Peur.
Si vous appartenez à une société et adoptez vraiment ses modes de vie, vous avez le droit de chanter ses chants lorsque vous vous apprêtez à méditer ou à prier, ou à n’importe quel autre moment. Même si vous pensez avoir besoin d’aide spirituelle avant une présentation, vous pouvez chanter pour réussir à mieux vous exprimer, à trouver la force d’aller à la rencontre des gens. Et c’est là qu’est le pouvoir. Lorsque vous parlez à une personne et qu’elle comprend clairement ce que vous dites, et se sent à l’aise avec cette information, vous lui avez transféré le pouvoir de comprendre. Cela est réel. C’est un pouvoir que nous oublions. Parfois, nous associons le pouvoir à de la magie étrange. Mais nous ne tenons pas compte de la personne que nous sommes, de la magie qui est en nous. Nos sociétés piikani traditionnelles aident à définir notre identité et à la façonner afin que nous puissions reconnaître que nous sommes des êtres complets, investis de nombreux dons du Créateur. Si vous ne vous voyez pas ainsi, si vous négligez votre personne, vous passez à côté du but. Vous devez tenir compte de toutes vos dimensions : le mental, le physique, la spiritualité et les émotions. Toutes ces dimensions doivent être intactes, tout comme vos cinq sens.
Beaucoup de personnes ne comprennent pas vraiment les cinq sens. Elles parlent de discernement. Mais la plupart du temps de nos jours, nous ne portons pas vraiment attention. Le vrai discernement vient de la pleine conscience du fait que ce qui nous entoure est un don du Créateur. J’ai compris cela lors de ma quête de la vision. Quand je faisais mon jeûne sur le flanc de la colline, pensant, priant et chantant si fort dans ma langue pied-noir, mes sens étaient dans un état de grande acuité. J’entendais des choses que je n’entends pas en compagnie d’autres personnes, des choses que je n’avais jamais entendues. Ma vision était parfaite et tout sentait si merveilleusement bon. Même mon sens du goûter était éveillé : je goûtais de bonnes choses, je goûtais l’enduit. Mes mains, mon corps, tout était relié, et cela me procurait un merveilleux sentiment. Je trouvais l’endroit où j’étais assis si sacré, si précieux. Je savais qu’il ne m’appartenait pas; je ne faisais que m’asseoir sur notre mère, la Terre. Elle assurait ma protection. Et lorsque je me suis mis à étudier l’information m’ayant été confiée à ce moment, j’ai compris ce qu’était le discernement. Le discernement exige de voir avec des yeux nus pour transmettre le message aux sentiments et aux sens de l’odorat et du goûter, et le ressentir pleinement à l’aide de tout son corps. Et si vous entendez quelque chose, comme des tambours ou un chant, ce message, ce qu’il signifie vraiment, sera transmis à vos sentiments – et vous l’approfondirez. Le discernement, c’est cela.
Nos sociétés, nos systèmes éducatifs, ont été conçues pour nous permettre d’accéder à ce lieu de discernement, ce lieu de respect de tout ce qui nous entoure.
LA GRANDE DANSE
Lorsque nous parlons des concepts piikani-pieds-noirs d’autorité et de gouvernance, nous commençons par parler des danses du soleil qui ont uni nos communautés.
Nous ne parlerons pas de la Danse du soleil aujourd’hui parce qu’elle est très sacrée. Mais nous pouvons parler des pow-wow. Les pow-wow sont des rassemblements de tout le peuple, où les nations se réunissent, dansent et jouent du tambour.
Pour certaines personnes, les pow-wow ont un sens très superficiel qui se limite à la beauté extérieure des perles, des plumes, des chants, des tambours, ainsi de suite. Mais les penseurs indiens, eux, portent attention au statut traditionnel : l’homme qui porte une coiffe en dansant a un chant lui permettant de la porter. S’il tient un hochet, il a un chant lui permettant de le tenir. Cela se rapporte à notre système de croyances. Différents types de personnes assistent donc au pow-wow, certaines à titre de participants et d’autres à titre d’observateurs.
Si vous ne savez pas comment identifier un participant à un pow-wow, ou à une Danse du soleil, vous ne comprenez pas ce qu’il exprime en dansant. Mais si vous le regardez attentivement, vous arrivez à comprendre; il reproduit en danse un aspect de sa propre identité. Ses gestes sont un langage utilisé lors des pow-wow. Pour certains danseurs, c’est une façon de parler aux gens à qui ils s’adressent.
Par exemple, en pied-noir, opshkaukshin signifie faire un mouvement, un geste, pour chasser les maladies, le mauvais sort, les problèmes, la douleur, les blessures ou les cicatrices émotionnelles, ou pour régler une situation difficile qui vient de se produire. Opshkaukshin sert aussi si quelqu’un a parlé en mal de vous. Et lorsque vous dansez en reproduisant vos rêves ou la manière dont dansaient auparavant vos ancêtres, vos mouvements servent à éloigner ces choses. C’est comme si vous portiez un bouclier pendant qu’on tirait sur vous; vous cherchez à esquiver le coup.
Nos aînés nous disent : « Lorsque vous vous assoyez et méditez, lorsque vous priez, apishkokisit. » C’est comme si vous aviez votre bouclier de remèdes et que vous faisiez des mouvements pour éloigner le méchant. Ce geste est si important. Il vous donne de la force, un sentiment d’identité, une raison d’être et une meilleure compréhension de ce que vous faites.
Un aîné m’a dit un jour : « Lorsque tu pries, petit frère, apstimaukshokshit. N’ait pas honte des prières, du Créateur. Pose le geste, même quand tu es seul et que tu penses avoir l’air ridicule. » Apshkokshin démontre
bien comment notre grand système circulaire, notre grande danse, est toujours une cérémonie, un langage, une façon de communiquer avec l’univers – quelle que soit la direction que nous prenons ou les situations avec
lesquelles nous composons.