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ENSEIGNEMENT OJIBWE/POWAWATOMI (ANISHINABE)
LILLIAN PITAWANAKWAT
LILLIAN PITAWANAKWAT


Diagramme pur les enseignements INTRODUCTION LE CENTRE L’EST – WAABINONG LE SUD – ZHAAWANONG L’OUEST – EPANGISHMOK LE NORD– KIIWEDINONG

INTRODUCTION

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Boozhoo.1 Bienvenue dans le monde des connaissances sacrées offertes à toutes les créatures à deux pattes qui foulent notre mère, la Terre.

Les enseignements qui sont transmis sont sacrés. Ils peuvent varier légèrement d’une tribu à l’autre, mais leurs bases sont les mêmes. Nous les observons et les partageons depuis de très nombreuses années. Nous honorons ainsi nos ancêtres – qui ont foulé la Terre avant nous – parce qu’ils ont formé un cercle à maintes reprises par le passé et prié que leurs enfants et petits-enfants suivent leur chemin. Lorsque nous honorons nos ancêtres, nous honorons nos propres vies.

Il y a sept directions sacrées.

Parmi elles figurent les quatre points cardinaux du cercle d’influences, représentées chez les Ojibwés par les couleurs jaune, rouge, noir et blanc. Le bleu symbolise notre père le Ciel, dans les sphères célestes, le vert symbolise notre mère la Terre, dans les sphères terrestres, et le mauve symbolise l’être, au centre du cercle.

Les sept étapes de la vie sont aussi représentées dans le cercle d’influences. Elles débutent à l’Est et traversent le cercle jusqu’à l’Ouest. Les sept étapes de la vie sont : La Bonne Vie, la Vie accélérée, La Vie errante, les Étapes de la Vérité, de la Planification et de l’Action, et la Vie d’Aîné.

Le cercle d’influences compte également les sept enseignements du grand-père. Ces enseignements débutent dans la direction Nord pour se diriger vers le centre du cercle. Ils nous montrent l’honnêteté, l’humilité, le courage, la sagesse, le respect, la générosité et l’amour.

Les enseignements du cercle d’influences sont vastes. Chaque direction du cercle ojibwé compte sept enseignements, comportant chacun des sous-enseignements sur divers sujets, comme la provenance et la signification du foin d’odeur et des autres remèdes.
Les quatre directions du cercle d’influences nous rappellent de nombreuses choses, comme le besoin de créer un monde équilibré et de tendre tous les jours vers notre propre équilibre intérieur. Ici, vous aurez un premier aperçu de quelques-uns des nombreux enseignements et connexions du cercle. Tout est regroupé par quatre, ce qui facilite l’assimilation et l’apprentissage des notions. Les enseignements des quatre directions débutent à l’Est et suivent le sens des aiguilles d’une montre.

Entrée lexicale : « Boozhoo » est une forme de salutation ojibwée.
Ojibwe - Les quatre points cardinaux du cercle d’influences sont représentées chez les Ojibwés par les couleurs jaune, rouge, noir et blanc.
Ojibwe - Les sept étapes de la vie sont aussi représentées dans le cercle d’influences.

LE CENTRE

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Chaque personne porte en elle un feu qu’elle doit nourrir à l’aide de ses connaissances ou de ses expériences et interactions. Durant mon enfance, donc, quand ma mère et mon père me demandaient à la fin de la journée « Anishnaan Daanis, anishna epitkonik, odishkode? – ma fille comment se porte ton feu? » je pensais à ce que j’avais vécu durant la journée. Je me demandais si j’avais été déplaisante envers quelqu’un ou si quelqu’un m’avait offusquée. J’y réfléchissais parce que c’était l’une des façons de nourrir le feu intérieur. On nous apprenait donc très jeune de nous libérer des distractions du quotidien en nous réconciliant avec nous-mêmes, afin de prendre soin de notre feu, de le nourrir.

Nous avons de nombreux enseignements sur l’importance de la nurturance. Quand j’étais petite, mon père nous a raconté l’histoire de la rose. Il nous a dit que le Créateur avait demandé au peuple-fleur : « Qui d’entre vous rappellera l’essence de la vie aux créatures à deux pattes? » Le bouton d’or dit alors : « Je le ferai, Créateur, je le ferai. » Mais le Créateur lui répondit : « Non, tu ne peux pas, tu es trop brillant. » Toutes les fleurs offrirent leur aide. À la toute fin, la rose s’exclama : « Laissez-moi leur rappeler avec mon essence comment être bons envers eux-mêmes lorsqu’ils auront des moments de tristesse ou de joie. »

Le Créateur – maître jardinier – prit alors une graine de la rose pour la planter dans notre mère, la Terre. Les vents labourèrent la terre et les pluies chaudes l’abreuvèrent jusqu’à ce que surgisse une minuscule pousse. Jour après jour, la pousse grandit. De la tige surgirent de petites épines très très pointues, puis apparurent des feuilles. Le temps passa et un petit bulbe se forma. Avec grand soin, le bulbe se transforma en rose.

La vie ressemble à la rose. Les épines sont notre cheminement de vie; elles nous procurent les enseignements si durement acquis dont nous avons besoin pour grandir. Nous sommes le produit de nos expériences de vie. Et comme la rose, nous nous fanons et mourons à maintes reprises durant notre vie avant de renaître encore et encore grâce à la réflexion, à la méditation, à la prise de conscience, à l’acceptation et à l’abandon.

Mon père nous a dit que la rose représentait à la fois la vie et les dons de la vie. Quand je fais mon propre cercle d’influences, je mets donc la rose au centre pour me rappeler mon propre cheminement de vie et les dons que j’en ai reçus.
Et je rends grâce en disant « meegwetch ».

Ojibwe - Chaque personne porte en elle un feu qu’elle doit nourrir à l’aide de ses connaissances ou de ses expériences et interactions.
Ojibwe - L’histoire de la rose.

L’EST – WAABINONG

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Nous venons de l’Est. L’Est représente la saison du printemps et le printemps de la vie. C’est là que débute notre cheminement d’êtres humains venus du monde spirituel dans le monde physique. Elle, c’est notre mère, celle qui nous donne la vie.
Nous naissons quand, en tant qu’esprit, nous demandons au Créateur d’accéder au monde physique. Le Créateur nous accorde ce souhait en nous faisant quatre dons : ceux de choisir notre mère et notre père, pour qu’ils puissent nous aider à atteindre l’équilibre, à trouver la paix intérieure, et ceux de déterminer comment nous viendrons au monde et comment nous mourrons.

Par conséquent, dans le monde spirituel, nous trouvons notre mère spirituelle et notre père spirituel, et leur demandons : « Me servirez-vous de véhicule pour accéder au monde physique? » Lorsqu’ils acceptent, le Créateur les unit. Un esprit naît alors dans le monde physique, et la mère le porte pendant neuf mois jusqu’à ce qu’elle perde ses eaux. Nous entrons alors dans le monde physique.

Notre cheminement débute à ce moment, lorsque le Créateur nous insuffle l’esprit de la vie. Et c’est l’esprit qui motive toute la vie dans ce grand cercle. Jusqu’à notre dernier souffle, nous sommes des esprits en voyage dans le monde physique.

La vie est un don. Pour honorer ce don, on nous a donné le tabac.

Toute vie est esprit. Elle est le vent, la terre, le feu, l’eau et toutes ces choses qui portent en elles l’énergie et le mouvement. Lorsque nous parlons de la vie, nous parlons de l’esprit. C’est pourquoi nous remercions tous les jours ces choses dont nous avons besoin et sans lesquelles nous ne pourrions poursuivre notre chemin.

C’est pourquoi nous débutons chaque jour par un geste de remerciement, en prenant un peu de tabac et en le déposant doucement à un endroit propre à l’extérieur – dans un jardin, au pied d’un arbre ou au bord d’un lac – où dame nature n’est pas encombrée.

Lorsque nous faisons cela, nous rendons grâce à la création. Nous nous montrons humblement reconnaissants, une fois de plus, pour le souffle de la vie.

Boozhoo Créateur, merci. Merci de m’avoir donné le souffle de la vie. Merci de m’avoir offert le monde, la Terre qui donne la vie et Grand-Père Feu, qui me réchauffe par temps froid. Merci pour les oiseaux, les créatures rampantes, les nageurs et les arbres. Merci pour les cycles du temps : l’automne, l’hiver, le printemps et l’été. Parce que chacun agit sur mon être avec son don de la création.

C’est ainsi que nous associons l’esprit à tout ce que nous appelons la nature, parce qu’il est la vie. Lorsque nous suivons la loi naturelle, elle ne nous abandonne jamais, parce que seule la loi naturelle existait avant que l’homme ne prenne le chemin du progrès.

Le tabac nous est donné ici, dans la direction Est, pour nous rappeler de rendre humblement grâce pour tout ce qui vit sans oublier que nous aurons toujours besoin de direction et de protection, et que nous ne pourrions pas exister sans les dons du monde naturel qui nous entoure.

L’Est nous apporte de nombreux enseignements. J’en ai partagé quelques-uns avec vous. Ce faisant, j’ai accepté du tabac pour honorer la demande qui m'a été faite de partager ces enseignements.

Mes parents m’ont appris très jeune que lorsque nous tenons le tabac dans nos mains, lorsque nous faisons part de nos besoins au Créateur, toutes nos intentions sont exaucées; pas toujours comme nous le souhaiterions, mais comme le Créateur le souhaite.
Alors j’honore ce tabac et je me prépare à faire ce voyage avec vous.

Ojibwe - L’est c’est où débute notre cheminement d’êtres humains venus du monde spirituel dans le monde physique.
Ojibwe - Le tabac nous est donné ici, dans la direction Est.

LE SUD – ZHAAWANONG

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Ici, dans la direction Sud du cercle d’influences, tout s’épanouit. Les arbres se réveillent pour produire des feuilles. La vie est en effervescence parce que l’été est arrivé; elle danse. Toute la création est nourrie de façon continuelle; tout est nouveau, tout croît.
Cette direction est associée à la jeunesse, une étape de la vie marquée par un dilemme; les jeunes n’ont pas encore atteint l’âge adulte, mais ne sont plus des enfants. Ils cherchent à trouver ce qu’ils ont laissé derrière à l’étape de l’enfance ou perdent l’essence qui les habite, parce qu’elle a été mal nourrie.

Les jeunes ne trouvent jamais ce qu’ils recherchent, parce qu’ils cherchent à retrouver ce qu’ils avaient jadis. « Qui suis-je? » « D’où est-ce que je viens? » À l’adolescence, nous tentons de nous rappeler nos humbles débuts d’enfant. C’est cela que nous recherchons.

La direction Sud nous rappelle de prendre soin de notre esprit. Lorsque nous atteignons l’équilibre intérieur, l’esprit nous prévient des dangers, nous dit : « Non, ne va pas là. Viens plutôt par ici. » Quoi qu’il arrive, l’esprit, l’intuition, ne se trompe jamais lorsque nous l’écoutons. L’esprit a toujours raison parce qu’il est notre guide. Lorsque le contact est perturbé, cependant, les enfants grandissent sans direction, sans nourriture de l’esprit. Rendus à l’adolescence, ils accumulent les dangers, les distractions. Pourquoi? Parce que leurs fondations spirituelles sont chancelantes. L’esprit n’a pas été nourri. L’adolescence, l’étape de l’errance, les rend distants.

Ces jeunes ont beaucoup à faire avant de se retrouver et d’apprendre la vérité sur leur identité. À l’adolescence, nous recherchons des personnes pour nous aider durant cette étape de croissance continue. Nous nous associons à des gens qui nous ressemblent pour nous donner la nourriture dont nous pensons avoir besoin. Et quand nos aînés disent vouloir nous faire un don, quand ils nous demandent de l’examiner pour savoir ce que nous en pensons, ils ne disent pas : « Je veux que tu suives ces enseignements. » Non. Les aînés nous invitent. En tant qu’aînés, ils invitent les jeunes à les accompagner dans leur cheminement. Et la plupart du temps, les jeunes acceptent leur invitation parce qu’ils veulent savoir ce qui est pourvu de vie, ce qui est pourvu de sens. Et leur vie se met à changer. Ils commencent à se responsabiliser, à adopter un mode de vie. Ils se préparent à être un meilleur parent, à avoir une carrière, ainsi de suite. Cela devient leur vérité.

Donc, si nous songeons à ce cheminement de vie – à ce qu’il ressemblait auparavant et à ce qu’il ressemble aujourd’hui – où trouvons-nous l’équilibre? Nous devons retournerner à nos humbles débuts. Nous devons communiquer avec nos ancêtres et leur dire : « SVP, ayez pitié de moi; priez pour que je trouve mon chemin. »

C’est ainsi que les jeunes nous rappellent d’être vigilants, de ne pas perdre de vue nos humbles débuts d’enfant, de prendre soin des jeunes qui poursuivent leur quête parce qu’ils grandissent encore et ont besoin de direction et de protection.

C’est pourquoi l’été est une période de nurturance continue qui nous apprend à cultiver notre esprit.

Le cèdre nous a été donné pour nous aider au Sud.

Le Créateur demanda à Grand-Mère Cèdre : « Marcherais-tu avec ces créatures à deux pattes? Leur offrirais-tu tes remèdes lorsqu’elles ont mal ou sont malades? »

Notre grand-mère accepta et, depuis, nous honorons le cèdre parce qu’il est notre grand-mère et nous fait don de ses remèdes lorsque nous le mangeons ou buvons ses thés sacrés.

C’est ainsi que nous nous rappelons que l’esprit vit en nous et que le nourrir signifie y être attentifs pour ne pas qu’il nous quitte.
Grand-Mère Cèdre nous aide; ses remèdes nous libèrent de tout ce qui fait obstacle à notre cheminement. Lorsque nous sommes prêts à nous en défaire, elle nous en libère. C’est pourquoi on dit du cèdre qu’il purifie le corps et l’esprit.

Ojibwe - La direction sud est associée à la jeunesse.
Ojibwe - La direction sud nous rappelle de prendre soin de notre esprit.

L’OUEST – EPANGISHMOK

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La direction Ouest correspond à l’étape adulte ou l’étape des baies. C’est là que les pousses de l’été prennent de la maturité. C’est le temps des récoltes. Pour une grande partie de la création, le voyage physique se termine et la vie reprend le chemin du monde spirituel.

Le coucher du soleil, à l’Ouest, signifie la mort du jour. Ainsi, nous mourons de plusieurs morts durant une vie. Et tout comme meurent nos vieilles pensées et impressions, pour faire place à de nouvelles, la mort nous envahit plusieurs fois dans une journée. Intérieurement, nous changeons constamment. Nous tournons autour de la porte de l’Ouest en dansant de nombreuses fois par jour pour honorer l’esprit de la mort.

À mesure que nous nous enfonçons dans l’âge adulte, la mort et la perte deviennent de plus en plus visibles. À la lumière de la mort, il importe d’accepter que le changement perpétuel fait partie de la vie.

L’Ouest représente aussi le cœur, l’évaluateur de ce qui se passe dans notre vie. En tant qu’adultes, nous devons garder contact avec cet évaluateur, parce qu’il nous aide à voir le cycle de la vie, à apprécier les fruits de la vie, à en profiter, à accepter la vieillesse et le changement, et à vivre en paix avec nos vies et nos morts. Nous avons la responsabilité de nourrir notre cœur pour atteindre l’équilibre et de reconnaître le cercle d’influences pour ce qu’il est.

Pour nous aider, nous avons reçu le don de la sauge. Lorsque nous nous en enduisons le corps, la brûlons et nous couvrons de sa fumée, nous nous purifions la tête et le cœur pour mieux nous préparer à poursuivre notre chemin.

Ici, à l’Ouest, l’enseignement de la fraise nous traverse l’esprit, parce qu’il nous montre le pardon et la paix. Les fraises ont la forme du cœur, et notre peuple les appelle les baies du cœur. On nous apprend ce genre d’histoire dès la tendre enfance.

Il y a longtemps, une famille choisit de quitter son village en proie aux querelles intestinales et à la mauvaise volonté. Les parents prirent leurs deux petits garçons et dirent : « Nous retournernerons dans la forêt et laisserons les arbres prendre soin de nos enfants. Nous laisserons les oiseaux leur chanter des airs pour leur rappeler leurs propres chants. Nous laisserons les animaux devenir leurs amis. » Et c’est ainsi qu’ils rassemblèrent leurs enfants et se réfugièrent dans la forêt profonde.

Le père offrit son tabac et demanda à la nation des arbres de lui procurer un foyer. Il reçut ce don et se mit à couper des arbres. Il construisit une demeure pour y accueillir sa famille. Les garçons devinrent grands et forts, mais jamais ne cessèrent leurs bagarres et leurs luttes d’enfants. Enfin, lorsqu’ils atteignirent l’adolescence, leur mère leur dit : « Il est temps de cesser vos petites manies enfantines. » Les deux enfants répondirent : « D’accord maman, nous ne nous battrons plus. » Mais sitôt éloignés de leur mère, ils ajoutèrent : « Entrons plus profondément dans la forêt et construisons un ring de lutte que nous pourrons utiliser quand bon nous semble. » Et c’est ce qu’ils firent. Ils défrichèrent un bout de terre où ils allèrent à l’insu de leur mère.

Mais le jour vint où, en luttant, le plus vieux des deux garçons fit trébucher son frère, qui se cogna la tête sur une roche et mourut instantanément. L’aîné fut désemparé. « SVP, SVP, réveille-toi… Maman et papa vont me tuer. SVP, SVP réponds-moi », l’exhorta-t-il, mais n’eut aucune réponse. Il pleura et supplia son frère : « SVP. SVP. » Au bout de quelques heures, une voix lui dit : « Enterre ton frère. » Il creusa donc un trou dans la terre et y plaça son frère. Il le recouvrit et rentra à la maison en courant.
À bout de souffle, il accourut auprès de ses parents en s’exclamant : « Maman, papa, j’ai perdu mon frère dans la forêt. Je ne le trouve plus. » Ses parents le suivirent alors dans la forêt pour le chercher, mais ne le trouvèrent pas. Le père dit : « Je vais aller au village demander aux membres de notre famille de former une expédition pour le retrouver. » Mais après dix jours et dix nuits de recherche, ils entreprirent leur deuil.

Chaque jour, le garçon retournerna à la tombe de son petit frère et l’implora : « SVP, SVP, dis-moi que tu vas bien! SVP! » Et, n’obtenant pas de réponse, il repartit en pleurant. Les années passèrent. Sa tristesse le suivit jusqu’à l’âge adulte, parce que lui seul savait où son frère reposait.

De nombreuses années et visites plus tard, l’aîné vit sur la tombe de son frère une toute petite plante qui se transforma lentement en petit fraisier. Chaque jour, il regarda les feuilles pousser et la plante donner des fruits.

En premier apparurent des baies blanches en forme de cœur. Puis, au fil des jours, les baies se transformèrent en fraises rouges, sucrées et délicieuses. Alors que l’aîné les contemplait, une voix intérieure lui dit : « Prends une fraise et mange-la. » C’est ce qu’il fit.

En la mangeant, il s’aperçut que – pour la première fois de sa vie – il pouvait de nouveau goûter à la douceur de la vie. Il ne se blâmait plus d’avoir tué son frère et ne blâmait plus son frère de ne pas lui avoir répondu. Il ne blâmait plus ses parents de leur avoir imposé une discipline stricte. Mais surtout, il ne blâmait plus le Créateur d’avoir pris la vie de son frère. Il était libre. Après toutes ses longues années, il était enfin libre.

Donc, ici, dans la direction Ouest, nous en avons appris sur la mort et le pouvoir du changement et de la guérison. Nous avons appris que la paix intérieure n’appartient pas au cerveau, mais au cœur. La mort peut être source de liberté : liberté de continuer, d’être. Il est très important de ne pas l’oublier. Nous pourrons un jour apprécier la direction Nord que si nous avons réfléchi attentivement à ces enseignements à l’Ouest.

Ojibwe - L’enseignement de la fraise.
Ojibwe - La direction Ouest correspond à l’étape adulte ou l’étape des baies.

LE NORD– KIIWEDINONG

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Le temps est venu de laisser de côté les questions de naissance et de mort, le continuum de la mort et de la renaissance. La direction Nord correspond à la période de repos. Parce que la mort est suivie d’un repos durant lequel nous songeons au passé, certains appellent la direction Nord la période du souvenir. À cette étape, notre attention se tourne également vers le corps et le besoin d’en prendre bien soin. Nous devons reposer notre corps lorsqu’il est fatigué, tout comme la Terre se repose de ses labeurs en hiver. Et lorsque notre corps a faim, nourrissons-le. Sachons ce dont nous le nourrissons, ce qui est sain pour le corps.
Le moment est aussi venu de réfléchir à l’enfance, à l’adolescence et à la vie adulte. C’est donc ici que nous honorons nos aînés. Nos aînés se trouvent ici, en compagnie des gardiens du calumet et des huttes, parce que leurs cérémonies nous procurent les enseignements de toutes les directions du cercle d’influences. Ils nous aident aussi à accepter toutes nos dimensions – l’enfant, l’adolescent et l’adulte – afin que nous puissions ressentir et connaître toute la plénitude de l’être.

La direction Nord est un lieu de sagesse.

C’est donc ici que l’hiver, les aînés partagent leurs histoires et leurs enseignements. Pour honorer cette saison du conte, je vous livrerai une de mes propres histoires.

Jusqu’en 1968, on nous interdisait de visiter Dreamer’s Rock, une partie de notre territoire qui nous est sacrée et où nous partions en quête de la vision. Quand l’interdiction a été levée et que nous avons pu y reprendre nos cérémonies, j’ai commencé à m’impliquer dans la communauté parce que je croyais en la valeur de nos enseignements et cérémonies. Mais auparavant, je devais retrouver mon feu.

Je n’oublierai jamais ma première suerie. L’aîné nous a dit que les esprits qui étaient entrés dans la suerie avaient faim. Il a dit : « Je leur ai demandé ce dont ils avaient besoin et ils ont répondu : « Nous avons faim. Nourrissez-nous. »

Cela a éveillé quelque chose en moi. Quand j’étais petite, ma grand-mère disait toujours : « Nous les nourrirons, ceux qui nous ont précédés : nos grands-mères, nos grands-pères, toutes nos relations. »

Elle préparait ensuite de la nourriture qu’elle brûlait sur le poêle, jusqu’à ce que la fumée se répande dans toute la maison. C’était comme si l’essence de leurs vies remplissait notre maison et nous rappelait combien ils avaient contribué à notre cheminement. C’était un bon sentiment.

Au plus profond de moi, l’esprit m’avait parlé. Je savais ce que je devais faire.

Je suis retournernée à la maison et j’ai appelé toutes les familles que je connaissais. « Nous planifions une célébration, leur ai-je dit. Pouvez-vous faire don de nourriture? » « Oui, oui, oui », elles ont toutes répondu. Les gens prenaient conscience d’une situation qu’ils savaient existait déjà.

Nous avons préparé l’assiette des esprits en y plaçant toute la nourriture offerte. Les offrandes étaient nombreuses et l’assiette était très chargée. Nous avons apporté l’assiette et notre tabac près du feu et avons prié : « SVP entendez-nous », avons-nous dit.
« Grands-pères, grands-mères, ancêtres, toutes nos relations, SVP entendez-nous. Nous sommes ici maintenant; ayez pitié de nous. Nous avions oublié de vous nourrir. Vous avez vécu longtemps sans nourriture, mais maintenant nous sommes ici pour vous honorer. Venez célébrer avec nous. »

Lorsque nous avons déposé l’assiette, j’ai vu les esprits se précipiter sur la nourriture tellement ils avaient faim. Au même moment, j’ai senti se rétablir mon lien avec ce cercle et je me suis mise à pleurer.

Je partage cette histoire avec vous pour vous raconter comment j’ai rétabli le lien avec mes ancêtres. Ce sont nos ancêtres qui nous transmettent les enseignements sacrés. J’aime particulièrement cette histoire parce qu’elle parle non seulement d’une de mes prises de conscience personnelles, mais de celle d’une communauté entière rassemblée pour célébrer une façon d’être et de se nourrir spirituellement. Nous continuons de partager nos premiers enseignements parce qu’ils servent à alimenter notre vie, à nourrir l’esprit en constante quête sur le chemin de la vie.

Je suis reconnaissante envers tous mes professeurs, pour tous les enseignements de la vie.

Voilà ce que nous enseignent les quatre étapes du cercle d’influences. Nous apprenons à reconnaître la beauté dans tout ce qu’offre le cycle de la vie, la tristesse et la joie, la vie et la mort. Nous apprenons qu’ils forment un tout, que la mort inclut la vie et que la vie inclut la mort, et que la beauté elle-même vient de l’équilibre complet du cercle.

Nous sommes revenus à notre point de départ et je rends grâce. À la porte de l’Est, je dis « Meegwetch », à la porte du Sud, « Meegwetch », à la porte de l’Ouest, « Meegwetch », et à la porte du Nord, « Meegwetch ».

Ojibwe - La direction Nord correspond à la période de repos.
Ojibwe - Nous continuons de partager nos premiers enseignements parce qu’ils servent à alimenter notre vie, à nourrir l’esprit en constante quête sur le chemin de la vie.